Les Nouvelles de Mélagues – Octobre 2020

En guise d’éditorial
Ce numéro, chers lecteurs et néanmoins amis, vous paraîtra moins consensuel que d’habitude.
Que voulez-vous, j’ai aussi ma composante de cet esprit français qui fait que nous
sommes considérés (à juste titre!) comme un peuple râleur ! Nous avons même des « journalistes »
spécialisés pour faire « mousser » le mécontentement, et lui donner surabondamment la parole, à
micro ouvert et caméra complice. Sans parler des réseaux « sociaux » qui nous font douter tous les
jours que nous ayons pu être regardés comme un peuple intelligent.. Si cela fut vrai quelquefois, il y
a bien longtemps !
Je n’irai pas jusqu’à ces extrémités. Je me contenterai de développer deux points de
désaccord actuels avec notre politique communautaire. Vous verrez que j’ai des arguments. Au
demeurant, les conversations que j’ai pu échanger avec certains de mes collègues maires me font
entendre que je ne suis pas le seul de mon avis. C’est plutôt rassurant.
La météo
Mais je vais commencer par une rubrique plus consensuelle (encore que …) :
l’observation du temps qu’il a fait. Plus facile, semble-t-il, que de prévoir le temps qu’il fera.
Octobre, premier mois de l’automne. Il a fallu attendre les derniers jours pour bénéficier
d’un peu de pluie, alors que deux épisodes méditerranéens, l’un cévenol, l’autre alpin, se sont
déchaînés sur les terres du Sud. Même si nos compatriotes ont été victimes de véritables tornades,
notre région du saint- affricain reste déficitaire : un mois d’août sans orage, septembre presque sec,
et octobre très chichement arrosé. Toutes ces observations confirment que nous évoluons assez
rapidement vers un climat en voie de tropicalisation. Nous avons déjà perdu ce qui était la marque
de notre modération climatique : la différence nette entre les saisons, et le retour régulier des mêmes
épisodes aux mêmes dates. Ce qui est préjudiciable aux pratiques agricoles (par exemple, les labours
d’automne sans pluie dans le Rougier), et à la vie biologique de la nature (un hiver sans froidure
favorise la prolifération des insectes l’été suivant). Ce qui est peut-être encore plus inquiétant, c’est
l’affaiblissement des forêts tempérées, et la nécessité d’introduire plus au nord des espèces jusqu’ici
endémiques dans le sud. C’est vrai pour les arbres, mais aussi pour l’ensemble des cultures.
A titre d’exemple, l’Angleterre va devenir un pays vinicole, et les vins de chez nous vont
se charger en alcool : le travail de sélection de nouveaux cépages n’est pas sans limites.
Quant à nos écologistes politiques, leur principale préoccupation, c’est de devenir tous, à minima,
président de la République. Une seule m’avait apporté un semblant de conviction : c’était Delphine Batho, que
j’avais entendue tenir un discours à la fois vibrant et crédible, lors d’une journée nationale des Parcs naturels, qui
se tenait en Provence. Les autres … oui, même celui d’Ushuaïa : ce qu’il a fait de mieux, c’est sa démission !
Juste un mot sur nos pseudo-écologistes locaux, ceux qui sont les inspirateurs de la gouvernance du
Parc, et dont l’influence est très sensible au Conseil départemental. Leur meilleure proposition, c’est de
consommer sur place l’énergie produite par les éoliennes aveyronnaises. C’est dire le niveau de réflexion ! Les
éleveurs de Lacaune n’ont plus qu’à déguster tout le jambon qu’il préparent, et les vignerons de l’Hérault, qu’à
boire tout leur vin ! Grâce aux appareils auditifs, il ne vaut même pas mieux d’entendre cela que d’être sourd !

Après cette « mise en bouche », j’en viens maintenant à nos deux points de controverse.
Le Plan
1/ « Une ardente obligation » : c’était le slogan utilisé dans les années 50, quand il s’agissait de
reconstruire la nation. Celle-ci, apparemment, doit avoir besoin d’un sérieux ravalement, puisque nous avons un
nouveau Commissaire au Plan, en la personne de François Bayrou. Espérons que son successeur ne sera pas un
syndic de faillite.
Mais à notre niveau, le plan qui nous occupe, c’est le PLUI. Si j’en crois la façon dont il nous a été
présenté, il revêt les trois caractéristiques principales des plans quinquennaux à la soviétique :
– a) c’est une pure construction intellectuelle, sans rapport avec la réalité,
– b) cette construction relève de ces « chefs-d’œuvre » d’abstraction mathématique dont le Power
Point est coutumier,
– c) ses objectifs annoncés sont totalement irréalisables.
Entendons-nous bien, je ne mets pas en doute le travail de conception de ce bel objet. Sauf que la
méthode relève d’une inversion absolue du processus de connaissance. De toute évidence, appréhender la réalité
de notre territoire n’a même pas été esquissé. Le projet s’appuie sur une totalisation arbitraire, qui n’est même pas
l’addition des diverses réalités communales. Ne parlons pas de leurs différences.
A partir de cette combinaison abstraite, les communes ont été divisées en groupes censés identiques
devant aboutir à des résultats parallèles, en un temps mesuré. Or, aucune commune n’est semblable aux autres.
Les unes ont du foncier, les autres espèrent en acquérir, d’autres n’en n’ont pas. Les unes ont des ressources
importantes, les autres (les plus nombreuses) sont limitées. Peu importe : il faut qu’en un laps de temps donné,
chacune dans son groupe soit capable d’offrir en location un nombre identique de logements. Cela, sans compter
les autres différences : par exemple, l’eau potable en régie ou concédée au privé, l’assainissement terminé ou en
projet, la présence ou l’absence de demandes de locations, la situation géographique, l’emploi, les
communications… Certaines communes font porter leur effort locatif sur l’achat et la rénovation de logements
existants. D’autres préfèrent construire du neuf… Tout cela est à prendre en compte.
On pourrait multiplier les exemples. La seule réponse qui nous est apportées, c’est celle dite du Power
Point (ou d’autre méthode équivalente), autrement dit, la construction sur le sable d’un château en Espagne que la
vague irrésistible de la réalité aura tôt fait de balayer. Car ni en deux ans, ni en cinq, ni en dix, une commune qui
n’a pas pu acquérir de foncier ne parviendra à répondre aux objectifs théoriques.
Le dernier aspect irréaliste, et d’autant plus inacceptable, c’est la manière impérative dont ces objectifs
nous sont présentés. C’est ici qu’on rejoint totalement la méthode soviétique pour laquelle le plan quinquennal
était une obligation. Bien sûr, les objectifs ne sont jamais atteints.
Les philatélistes se souviennent sans doute de ces timbres au large format émis par la poste magyare, où
l’on voyait, lovées dans la boucle d’un énorme chiffre cinq, apologie du rituel plan quinquennal, les
traditionnelles scènes de genre du réalisme socialiste : un combinat métallurgique hérissé de multiples
tuyauteries, un tracteur imposant à la ligne carrée labourant les immenses plaines de la puszta, des paysannes
endimanchées vendangeant au son de l’accordéon les cépages du tokay, des troupeaux de vaches prospères aux
pis gonflés, des « camarades » aux chapeaux de feutre noir haranguant des foules enivrées du bonheur d’être
citoyennes d’un pays si prospère … Les cinéphiles avertis préfèrent évoquer ces films du grand frère soviétique
exaltant l’effort surhumain des mineurs de fond stakhanovistes qui se tuaient au travail pour dépasser la norme.
Tout cela était pure propagande, dont personne n’était dupe, mais tout le monde faisait semblant d’y croire.
Pour ma part, on me prêtera sans doute un esprit parfois mal tourné. Mais je pense que notre idéologie
néo-libérale, qui prétend tout classer, tout organiser, tout standardiser, prolonge par d’autres moyens cet art
consommé de nier les différences, et que son objectif essentiel est de gommer la spécificité du monde rural, pour
mieux le calquer sur une verticalité bureaucratique dont l’unique modèle est la société urbaine, même si on ne
peut pas dire qu’elle soit un exemple de réussite. Au demeurant, prétendre organiser un pays qu’on n’a même pas
fait l’effort d’apprendre à connaître relève, à la limite, de la malhonnêteté intellectuelle. En fin de compte, les
oppositions idéologiques se dissolvent dans une même tentative d’uniformiser des territoires en dépit de leurs
différences, et le néo-libéralisme contemporain n’est pas plus crédible que ne l’était le « réalisme socialiste ». La
seule vraie différence, c’est que ni Staline, ni Béria ne sont plus là pour « normaliser » les récalcitrants. Mais la
bureaucratie omnipotente, pour sa part, est toujours active, et l’échec est aussi au bout de ce chemin fourvoyé.
2/ L’éolien
Le lundi après-midi 12 octobre, la MISAP a invité, au siège de la D.D.T. à Rodez, les promoteurs de la
Société Voltalia à présenter aux services intéressés leur projet éolien sur les crêtes sud de la commune de
Mélagues. Cette présentation n’a rien de décisionnel : elle est l’acte officiel de naissance d’un nouveau projet. La
com’com’ était représentée par son DGS, et la mairie de Mélagues, par son maire.
A l’issue de la présentation, les services de l’Etat n’ont montré aucune virulence. Se sont exprimés contre
le projet le Parc des Grands Causses, en vertu de l’influence délétère des associations pseudo-écologiques qui le
dominent, et la com’com’, dont on se demande quel intérêt la conduit à s’inféoder à la décision du Parc, alors que
la majorité des retombées financières du projet lui écherra. Il faut croire que la logique ne préside pas toujours à
nos décisions, ni même l’intérêt bien compris de notre territoire et de ses habitants – même si pour cela, il faut
que l’Etat ait le courage de faire front aux oppositions systématiques des minus habentes, ceux qui crient le plus
fort, ceux qui ont fait capoter le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes, sous prétexte qu’ils en cultivaient
les champs. Faire pousser des carottes sur la terre de Nantes, vous parlez d’un exploit !
Le projet Voltalia sera présenté au public, dès que le Covid nous le permettra. En attentdant, voici le texte
explicatif qui accompagnera l’exposition.
L’histoire de l’énergie éolienne se conjugue avec celle de la civilisation. Depuis que les
hommes ont appris les rudiments des développements technologiques pour démultiplier leurs efforts,
ils se sont évertués à tirer le meilleur parti des énergies naturelles, telles l’eau et le vent, afin de rendre
la Terre habitable, fertile et nourricière pour une population toujours plus nombreuse, mais aussi plus
exigeante en matière d’agrément et de confort.
C’est ainsi que les premières éoliennes, telles qu’on peut encore les voir s’activer dans la
pampa argentine, ont fait surgir à la surface des espaces mis en culture l’eau fertilisante des nappes
souterraines. C’est ainsi que les moulins de Provence, célébrés par Alphonse Daudet, ont suppléé
l’effort des chevaux et des ânes pour faire tourner les lourdes meules actionnées par la générosité du
mistral, afin d’écraser le froment de notre pain quotidien. Parallèlement, les voies maritimes amenaient
les conquérants à la découverte de ces lointains univers qui allaient modeler le nouveau visage de la
« planète bleue ».
L’eau et le vent ! Le cadeau merveilleux de ces énergies toujours recommencées, mises
gratuitement à la disposition de chacun, afin que l’ingéniosité de l’être humain y trouve le loisir et la
liberté d’épanouir le visage souriant de notre Terre, pour le plus grand bonheur de ses habitants.
Tel est bien le propos de la société Voltalia, dans le projet de parc éolien qu’elle
développe sur les crêtes méridionales des Cévennes, entre les cols de Thalis et de Marcou. Espace
prédestiné, s’il en est, où le souffle du nord-ouest (le noroît des marins) se montre d’une fidélité
exemplaire à son couloir préférentiel, où les crêtes, tournant le dos au nord, invitent le regard à
contempler, jusqu’à l’horizon du sud, à l’infini, l’immense étendue de la Méditerranée, entre Frontignan,
Sète et Agde : paysage unique en Aveyron, territoire qui a mérité l’appellation d’ « île entourée de
terre », entre Aubrac, Cévennes, monts de Lacaune et contreforts du Larzac.
Au surplus, le lieu étudié pour l’implantation du parc a été récemment le théâtre d’une
aventure humaine singulière : celle du professeur Louis Bernard, physicien émérite, ayant enseigné à
l’Université catholique de Lille, puis devenu maire de St-Valery-sur-Somme. Il avait acheté, dans les
années 1960, la ferme de Guidon, au pied des crêtes, pour se rapprocher d’un pays de soleil et de vent
dont il trouvait trop chiche la baie de Somme. Chercheur passionné qui, de ses mains, donnait vie à ses
inventions, il avait réalisé une pile solaire qui mouvait un train électrique, et un moulin à vent aux
voiles pivotantes, fixées sur un support circulaire, afin de présenter toujours à tous les vents, au cours
de la rotation, la plus grande surface utile. La matière première était rudimentaire : les pièces détachées
d’une bicyclette de réforme, quelques rectangles de voile marine, sans doute acquise auprès d’un
successeur de Maître Panisse, des étais de bois brut, les rayons d’une roue de vélo, et son frein. Il
existe, parmi ses descendants, un court métrage de ce moulin en fonctionnement : à Guidon, il tournait
avec ardeur, quel que soit le vent, parfaitement contrôlé par le frein et un système de monte-et-baisse,
alors qu’à St-Valery, le mouvement manquait de souffle. Ce qui ne risque guère d’arriver sur nos
crêtes !
Par ailleurs, les nuisances susceptibles de se produire sont réduites au minimum, par
rapport aux hameaux habités : car, si la vue s’ouvre largement vers le sud et la mer, les habitations, du
côté nord, sont protégées par un épais rideau de hêtres centenaires, dont la hauteur compacte évite de
solliciter l’oeil, lequel, en revanche, se trouve irrésistiblement attiré par le triple rideau de l’horizon
maritime : l’étang, la lagune, puis « la mer, la mer toujours recommencée », comme le chante le Sétois
Paul Valéry. Il en est de même pour le son : les frissons qui émanent du massif de hêtres rendent
inaudibles les éoliennes (sans compter la distance réglementaire, qui est largement respectée par le
projet).
Si bien qu’aucun voisin du futur parc ne figure parmi les opposants. Bien au contraire !
La totalité des personnes concernées par les prévisions d’implantation a accepté d’accueillir des
éoliennes sur son terrain.
Peut-on raisonnablement, aujourd’hui, s’opposer à un projet si judicieusement étudié ?
L’urgence climatique, quoi qu’en dise Donald Trump, n’est-elle pas prégnante ? Le maire de la
commune de Mélagues, Jean Milési, donne à cette question une réponse philosophique :
« Je serais favorable à un tel projet éolien, même s’il n’était assorti d’aucun avantage financier ! »
Ce point de vue semble à contre-courant. Mais le maire l’enrichit d’une autre
considération : celle de la répartition des ressources avec la communauté de communes, et des
financements qu’elles permettront d’assumer, pour toutes les réalisations d’intérêt collectif qui en
découleront, en matière d’équipements de santé, d’éducation, de communication, de stimulation
économique, de loisirs …
Ainsi, la richesse créée n’en sera que mieux partagée, et la situation privilégiée de ce
modeste territoire, sans doute le mieux doté du Département en matière de potentialité éolienne et sans
aucune alternative de développement équivalente, se verra utilement valorisée. Car la vocation de
l’homme intelligent reste d’utiliser au mieux les dons de la nature, sans tentative d’appropriation indue
ni de stérilisation malthusienne.
Il ne restera plus qu’à enrichir le parc d’une réalisation touristique et pédagogique :
un centre d’information sur les énergies renouvelables, destiné à tous les publics, mais en
premier lieu aux enfants des écoles des premier et second cycles, un observatoire des oiseaux et
de la voûte céleste, et un réseau de sentiers de randonnées cyclo-pédestres, dont la commune de
Mélagues a déjà créé un maillage assez dense pour valoriser tous les attraits du paysage, de la
faune et de la flore de cet espace naturel de caractère.

VIEILLIR
Maintenant, j’ai cent ans ! Non, ce n’est pas un rêve.
Comment peut-on vieillir ? Sans s’en apercevoir
La trame de la vie s’est déroulée sans trêve
Et le passé est là, sans qu’on puisse y surseoir.
Pour bien vieillir, il faut accepter calmement
Que chaque jour qui fuit laisse après son passage
Des taches et des rides et le vieillissement
Qui marque sans pitié son empreinte au visage.
Ne rien solliciter, se plaindre de personne,
Visiter les amis, aider les indigents.
Consoler le malade et que votre main donne
Ce que le coeur aurait offert, discrètement.
Il faut remercier Dieu, pour avoir profité
De la jeunesse ardente et des joies de la vie
Avoir vu près de nous ses enfants rassemblés,
Voilà le vrai bonheur, tout le reste est folie.
Et quand la mort viendra frapper à notre porte
Songeons qu’elle aurait pu venir beaucoup plus tôt.
Partons tout doucement, sans bruit et sans escorte,
Avec l’espoir, un jour, de se revoir là-haut.
Poème de Victor Henneteau, communiqué par Maurice GOUSAILLES, que nous remercions de nous l’avoir transmis